Éditions Corti

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Des belles et des bêtes

Fabienne RAPHOZ | Collection Merveilleux, n°23 (2003)
Une anthologie de fiancés animaux
Photographies et illustrations

Jean Marais a immortalisé sous ses traits la formidable stature de la Bête, dans la fameuse mise en scène de Jean Cocteau. Le scénario du film, directement issu du conte de Madame Leprince de Beaumont est, comme tous les contes, une bien vieille histoire : une histoire de métamorphose et l’une des plus répandues du répertoire indo-européen. Dans une monographie érudite de 1955, un folkloriste danois (J-Ö Swahn) fait le compte : plus de 1100 variantes de La Belle et la Bête parcourent le monde.

La tentation était grande de réunir non seulement les versions les plus représentatives de ce conte, de partir en quête de ses sources et migrations, mais aussi de le mettre en perspective avec d’autres contes à métamorphose où la bête est "une" animale (de la Chatte blanche de Madame d’Aulnoy jusqu’aux variantes les plus populaires) et le prince, un sauveur.

Cette réunion thématique, de 41 contes littéraires et populaires, nous fera remonter dans l’Antiquité, avec le conte de Psyché ; et au Moyen âge, avec le mythe de Mélusine.

L’anthologie s’accompagne d’une trentaine de photographies de belles et de bêtes éternelles : de pierre et de marbre ; et d’une dizaine de gravures du XIXe siècle.



Femmes fauvette et hommes loup : un livre-monstre qui scelle des hymens où le plus animal n’est pas celui qu’on pense.
Dans ces contes, les bêtes sont souvent plus sensibles que les hommes. Ceux-ci sont indiscrets, frivoles, bavards, envieux, snobs, attachés aux apparences. Les bêtes parlent peu. Elles ont une âme grosse de solitude et d’espoir. On dirait qu’elles portent dans leurs plumes et poils toute la sagesse – et la dépression – du monde. Chacune est le «premier chien» que Supervielle décrit dans la Fable du Monde : «Il est l’angoisse qui soupire/ tout en n’étant qu’un pauvre chien.» Les bêtes sont aussi à la limite. Elles sont dans l’homme. Elles le dégoûtent et l’attirent. Elles en sont victimes. C’est alors à Pierre Guyotat qu’on pense : «Il y a quand même une exploitation de la bête par l’homme, une lutte entre les animaux, une énorme histoire.» Les illustrations d’époque, qui accompagnent les textes comme un parcours secondaire, montrent tout cela. On y funambulise entre morale et pornographie. Les photos de statues, prises par Fabienne Raphoz dans le jardin italien de Bomarzo, fonctionnent plutôt comme un contrepoint analogique.

Philippe Lançon, Story de Libération du 13 novembre 2003.