Éditions Corti

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Senhor Ventura

Miguel TORGA | Ibériques (2005)
Traduit par Claire Cayron

Senhor Ventura de Miguel Torga est un mélange de pícaro et de Don Quichotte, mais à la portugaise, c’est-à-dire dans la migration et l’écartèlement : aventurier en Orient et redresseur de torts à Penedono (Alentejo), sensuel et sentimental, trafiquant et honnête homme, cupide et généreux, solitaire et solidaire, soumis à ses passions et révolté contre la tyrannie du milieu. À ses côtés chemine un temps, en camion Ford, un Senhor Pereira (Sancho), qui lui révèle “l’intime et confiante connivence” de l’amitié.

On peut lire, dans Senhor Ventura, une alternative utopique : d’une part le monde de la corruption, ici figuré par l’Orient où le Portugal déploya sa vénalité mercantile ; et d’autre part le monde idéal de la terre-mère. Mais l’utopie se heurte constamment au réel, un réel majuscule qui finalement l’emporte : “Le Sexe, j’y insiste. Et même flanqué de Lawrence et de Freud, j’ajoute : la perdition.”

Par les aventures, les personnages et le ton, le découpage et la rapidité, ce curieux récit en spirale tient à la fois du roman picaresque, du feuilleton et du synopsis. Il a été publié pour la première fois en 1943. Miguel Torga avait alors 36 ans. Senhor Ventura porte les mêmes croix que son auteur : blessures de l’émigration et de l’humiliation, tension entre le déracinement et l’enracinement, entre le déterminisme et l’ardente nécessité de l’entraver – qui trouvera dans les Poèmes Ibériques une expression triomphante : “Tous nous faisons notre destin.”