Éditions Corti

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Baudelaire sans fin

John E. Jackson | Les Essais (2005)

«On a déjà dit tant de choses sur Shakespeare qu’il semblerait qu’il ne reste plus rien à en dire, et pourtant le propre de l’esprit est de stimuler l’esprit toujours plus avant.» Ces lignes de Goethe en tête d’un essai intitulé «Shakespeare und kein Ende», «Shakespeare sans fin», peuvent s’appliquer mot pour mot à Baudelaire. Je les reprends ici à la fois pour leur faire hommage du titre que j’ai choisi et pour souligner d’emblée le paradoxe sous lequel s’inscrivent ces nouvelles études. Depuis plus d’un demi-siècle, Baudelaire n’a cessé d’être au centre de l’attention que la critique a consacrée à la poésie.

Nombreux sont les chapitres de ce livre où j’ai essayé de répondre en partie à des questions dont la lecture de Baudelaire et des Fleurs du Mal en particulier faisaient et font encore pour moi des énigmes. Quelle réalité Baudelaire accorde-t-il aux démons ? Qu’en est-il du statut de Dieu dans ce recueil ? Pourquoi s’est-il dit l’élu de Lesbos ? Je n’ai pas de réponse définitive à ces questions, j’espère simplement que mes remarques pourront paraître pertinentes et peut-être aider le lecteur à y voir un peu plus clair. D’autres chapitres sont consacrés à des points qui me paraissent négligés alors qu’ils ne méritent pas de l’être : c’est le cas des pages dans lesquelles j’essaie d’étudier l’omniprésence des phénomènes d’énonciation, des pages sur les soldats ou encore sur le bruit. Le rapport à Gérard de Nerval, qui fait l’objet du chapitre le plus développé, est une première tentative pour aborder une relation dont on ne peut que s’étonner qu’elle n’ait pas encore fait l’objet d’une étude approfondie. Mon espoir est que ce chapitre donnera envie à quelqu’un d’aller plus loin et d’écrire sur ce sujet un livre qui fait cruellement défaut.

Le mécanisme par lequel l’avertissement destiné à éviter au héros une double catastrophe devient la cause de celle-ci engendre en effet une contradiction qu’on ne saurait souhaiter plus exemplaire.

John E. Jackson : élève de Jean Rousset, ce grand universitaire suisse a publié aussi au Mercure de France. Il a donné une série de Leçons au Collège de France.