Éditions Corti

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La Paupière auriculaire

Joël Gayraud | Domaine français, 2018

Harcelé par le brouillage et la cacophonie médiatiques, l’homme contemporain est menacé de surdité mentale et émotionnelle. Il a le plus grand besoin d’interposer une paupière protectrice entre son oreille et le déluge d’informations qui l’assaille. C’est seulement ainsi qu’il pourra filtrer ce qui a du sens et mérite d’être pensé. Pratiquant cette écoute sélective, l’auteur interroge, sous forme de fragments allant de l’aphorisme au petit essai, tout ce qui, au fil des jours, sollicite sa vigilance ou sa rêverie : entre autres thèmes sont abordés ici le sens du mythe, la projection utopique, les passions de l’amour, notre rapport à l’animal et à la nature, le statut de l’objet, du langage et du livre, l’expression artistique, de Corot au Street art, de Kafka à Rimbaud, non sans quelques excursus philologiques et philosophiques du côté de Spinoza, Leopardi et Levinas. Une dérive ironique et critique qui cible les impostures toujours plus nombreuses sur le marché et exalte les occasions d’émerveillement qui se dévoilent dans les interstices d’une vie menée sous le signe de la poésie.


Joël Gayraud



Ce serait une mutation bienvenue : que le ”tragus“, cette excroissance de chair située à l’entrée du conduit auditif, se transforme en une paupière « rétractable à volonté», comme celle de l’œil. Protection assurée ! En attendant cet heureux jour, Joël Gayraud cisèle aphorismes et réflexions variées comme autant de filtres contre le boucan extérieur.

Il s’interroge sur ces nouveaux prénoms que des parents hypermodernes déposent pour leurs enfants : «Cyanure, Facebook, Anus, @, Anal, Rolling Stones, Ikea, Lady Di », etc.

En bon lecteur de Schopenhauer, il note qu’« une vraie volonté est inconsciente d’elle-même. On ne veut vraiment que sans le vouloir». Nos petits hommes verts avec une épée sur le côté désolent Gayraud : «Comme le montre jusqu’à l’écœurement l’histoire de l’Académie française, l’immortalité littéraire est une longue maladie.» Qu’il se méfie de ne pas l’attraper !

Frédéric Pagès • Le Canard enchaîné, 3 février 2018




Poète et essayiste, Joël Gayraud est né à Paris en 1953.
Traducteur de latin (Ovide, Érasme) et d’italien (Leopardi, Straparole, Pavese, Agamben), il publie aussi des articles critiques ou des textes poétiques dans de nombreuses revues françaises et étrangères (Europe, Critique, L’Œuf sauvage, Analogon etc.). Chez Corti, il a publié un autre ensemble de textes en 2004 : La Peau de l’ombre.