Éditions Corti

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Le vrai sujet. Interrogations et conjectures de Jacob de Lafon

Keith WALDROP | Série Américaine (2010)
Traduit par Olivier Brossard

En 2004, Keith Waldrop publie un livre au titre étrange pour un lecteur français : The Real Subject: Queries and Conjectures of Jacob Delafon. Le vrai sujet : Interrogations et conjectures de Jacob de Lafon est une séquence de poèmes en prose, méditations poétiques, drôles, absurdes, mais aussi tristes et mélancoliques du «héros» Jacob Delafon à qui Keith Waldrop a prêté vie.

Fils de R. Mutt (signature apposée par Marcel Duchamp sur son célèbre urinoir), le héros Jacob Delafon est une sorte de pied nickelé américain, n’oubliant jamais l’origine modeste, prosaïque et sanitaire de son nom ; mais c’est un pied nickelé rêveur qui se perd en «conjectures et interrogations», à la recherche (illusoire) du «vrai sujet» qu’il ne trouvera d’ailleurs pas, le livre se terminant sur une phrase inachevée et le mot «surprise». Le vrai sujet est une quête – si absurde soit-elle, la vérité en prenant pour son grade dès les premières pages. C’est une quête qui, consciente de sa propre absurdité, la met en scène dans de nombreux passages très drôles. Et pourtant «profonds» aussi, si l’on décide d’y voir les nombreux échos à la littérature, philosophie et aux Écritures qui ponctuent les textes.

Bréviaire de l’apprenti philosophe de waters, Le vrai sujet présente au lecteur les pensées d’un personnage qui refait le monde et, pendant qu’il y est, le langage – alors même que son patronyme devrait l’inviter à une prudente modestie. Le personnage – anobli dans la traduction française, de «Delafon» à «de Lafon», pour des questions de copyright – est un funambule qui avance en vacillant sans cesse entre grotesque et beauté, humour et gravité, rire et larmes. On commence la lecture du livre par une réflexion sur le nom du «bousier», jugé répugnant par Jacob. C’est pourtant cet insecte qui va mener, une page plus loin, au premier poème en vers du recueil, «Bourdonne», premier moment «poétique». Le mouvement est ainsi lancé : du laid au beau, et retour.