Éditions Corti

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Journal seneca

Jerome Rothenberg | Série américaine, 2015
Traduit par Didier Pemerle

Né à Brooklyn (N. Y.) en 1931 — sa famille avait émigré de Pologne au début des années 1920 — Jerome Rothenberg s’est peu à peu imposé comme l’un des plus importants poètes nord-américains de la seconde moitié du XXe siècle. Par son oeuvre propre, tout d’abord, qui opère une synthèse originale entre plusieurs héritages : celui des fondateurs du modernisme américain (Pound, Williams, Stein) et des avant-gardes européennes (dada, futurisme, surréalisme) qu’il a contribué à mieux faire connaître outre-Atlantique ; mais aussi à travers une relecture globale de la poésie des origines (notamment rituelle) dans une perspective active, étrangère à tout passéisme.

Jerome Rothenberg a fait paraître une quinzaine de recueils majeurs, parmi lesquels on citera Poems for the Game of Silence (1971), Poland/ 1931 (1974), Vienna Blood (1980), Khurbn (1989), The Lorca Variations (1993), Seedings & other poems (1996), A Book of Witness, (2003) — et ce Seneca journal, qui fait le lien avec son anthologie Les Techniciens du sacré, publiée chez Corti en 2008. Journal seneca, recueil le plus « ethnopoétique » de Jerome Rothenberg, a été écrit après un séjour de deux ans dans la réserve indienne Seneca à l’Ouest de l’État de New York.

Dans Journal seneca, dit Jerome Rothenberg, je pars à la recherche de moi-même, et soudain, quelque chose d’autre commence à surgir :

« Je suis devenu castor. Richard Johnny John a été mon père. La cérémonie, qui s’est déroulée dans la maison longue, a été très courte. Ils ont dit quelques mots en seneca. J’ai reçu un nouveau nom. Je ne sais pas s’ils étaient sérieux, mais le nom était superbe. Ma femme et mon fils sont devenus grands hérons. Elle a été nommée Celle Qui Voyage, il a été nommé Le Parleur. Thelma Ledsome a été la soeur de ma femme et Effie Johnson, sa mère. Je me suis intéressé aux castors quatre ans plus tard, quand nous sommes allés vivre à Salamanca. Salamanca est un relais ferroviaire situé juste sur la réserve. Je l’ai vu, un jour, sur une carte allemande de l’Amérique où ne figurait pas Albany. C’est maintenant une ville de 7 000 habitants, des Blancs pour la plupart. Charles Olson écrivait : l’Histoire est le nouveau localisme. Et Ezra Pound : une épopée est un poème qui inclut l’Histoire. Quand je mourrai, mon nom retournera là d’où il est venu. Un Seneca viendra le chercher. »