Éditions Corti

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Cent vues de l’enclos des nuages

André Ar Vot | Domaine Français (2004)

Quel lecteur n’a pas imaginé une “Poétique des nuages”, quelle tête n’a pas rêvé se faire définitivement ennuager ?

Voici qu’un poète nous propose une centaine de fragments sur les Nuages, se riant de l’exhaustivité impossible mais s’amusant à regrouper ses textes en thématiques comme autant de tentatives d’approches : traité du Nuageux, Autobiographie du Nuage, Sensualité, Au Musée des Nuages, Pour une esthétique, Nostalgie, etc.

“Ce livre n’est pas fait pour être lu, nous dit André Ar Vot, mais feuilleté. (…) C’est un peu un livre-oiseau, qui vole de branche en branche en faisant sauter les feuilles. Parcourir ce livre comme la caravane des Nuages parcourt les hauteurs de l’atmosphère sera la meilleure façon, en changeant de monture, d’altitude, d’éclairage, d’humeur et de compagnie.”



Livre lu et conseillé par les libraires : F. Goux (Librairie La Litote, La Varenne-sur-Hilaire), O. Renault (L'Arbre à lettres, Paris 14e), Y. Granjon (Sauramps, Montpellier), C. Grossi (Les Sandales d'Empédocle, Besançon).



C'est un drôle de voyage que nous faisons là, suivant la course folle ou lente des nuages, où les rencontres sont souvent fortes car impromptues, souvent éphémères et jamais reproductibles. Au hasard des seize sections, on regarde les nuages (sensuels, parfois violents) se former et se déformer ; on relève les couleurs et les découpes qu'ils prennent en fonction du lieu où l'œil tente de les photographier : vitre, monocle, pare-brise ; depuis les côtes bretonnes jusqu'à l'Inde en passant par l'Espagne. La terre vue du ciel, de l'enclos des nuages plutôt, et les nuages vus de la terre : un aller et retour dans lequel paysages, humains, animaux ou végétaux sont transformés. La balade n'est pas balisée, n'est pas un jeu de pistes non plus. (...)

La balade est poétique : de cette rêverie naît une nuée de textes (...). La balade est scientifique : elle nous entraîne au cœur du monde et de ses créations. La balade est littéraire : ici se croisent Melville, Gracq, Jaccottet et Michaux qui, tous ont parlé de lui. Car le Nuage, personnage polymorphe, voyage depuis toujours de livre en livre. Il est donc parfaitement naturel qu'il soit l'unique héros – car souvent fantasmé – de ce livre singulier et inattendu.

Christophe Grossi, Pages des Libraires, janvier/février 2004.

Sous un titre à la Hokusai – Cent vues du Mont Fuji – c'est l'essence de la nuagerie qui cherche à capter André Ar Vot. Chacun des textes composant Cent vues de l'enclos des nuages rassemble une œuvre d'amour et d'illusionniste, au croisement du traité, du livre d'images et du poème en prose. L'enclos en question, c'est une vitre, un pare-brise, le miroir d'une flaque ou n'importe quelle surface réfléchissante – tout ce qui peut donner à voir l'agitation du ciel. Voués à l'effacement, les nuages sont de purs événements déclinant à l'infini leurs épopées dérisoires. Concrétions de spasmes, "reptations de dragons boursouflés"; les nuages représentent aussi "l'image la plus élémentaire, la plus accessible, la plus convaincante de ce que l'on pourrait appeler, avec une pointe d'emphase, une épiphanie".

À cette façon d'incarner le lieu et l'instant, plus encore que le temps qui passe et qu'il fait, il fallait un regard espiègle et ébloui. C'est exactement celui d'André Ar Vot. "Je parle des nuages comme si je tombais des nuées, comme si, depuis la cage d'un ascenseur, secouant ses barreaux, je voyais une femme nue descendre l'escalier". Hymne au relatif, au fuyant, au convulsif, cette façon de regarder sous la robe du ciel est aussi une autre manière d'approcher l'inexprimable, l'inassouvissable. De par sa plasticité, sa "mutabilité constante", son éternelle jeunesse, le nuage, par-delà le congé souverain qu'il donne à la pesanteur, s'y prête, tout autant qu'à imager nos fantasmes ou cette beauté transitoire qui fascine tant les peintres et les poètes.

Livre à l'écriture quelque peu funambulesque, livre d'humeurs et d'humour, Cent vues de l'enclos des nuages relève autant de l'herbier que de la volière. Musée secret, reliquaire, harem, c'est le livre d'un amoureux sachant s'enfoncer das les nuages comme on s'enfonce dans une songerie autour des chairs aimées, mais sachant aussi nous faire partager et nous transmettre sa ferveur et son enthousiasme.

Richard Blin, Le Matricule des Anges, mars 2004.

Cent est à prendre ici dans sa valeur indénombrable, car ce sont près de deux cent cinquante petits tableaux qui composent la "nuagerie" de l'enclos. On ne saurait se prononcer avec autorité sur la nature de ces textes brefs : poèmes en prose, observations scrupuleuses, méditations sur l'éphémère ? Le sujet, par nature inépuisable, car livré au miroitement d'"image instables, solubles dans le moment." (...) C'est bien à tort que l'on conclurait à quelque déambulations désincarnée. (...) L'écriture d'Ar Vot est à la fois sinueuse et serrée. Pointe fine quand il s'agit d'attraper un détail, elle évite soigneusement l'excès lyrique et revendique une simplicité badine qui relève, on le devine, d'un sévère élagage.

BCLF N° 657, mars 2004